Susan G. Scott - Sans ombre 22.09.22 - 16.10.22
Sans Ombre
Remontant la tradition de la sagesse indienne, Dōgen met en garde ses disciples, ce qu’ils voient, sentent, touchent sont des « fleurs du vide » : derrière leur apparence de permanence, les objets ne sont que des cristallisations éphémères dans le jeu des phénomènes, appelés à s’y dissoudre. Plutôt que de s’attacher aux contours fermes des objets, il s’agit de se laisser porter par les chatoiements de couleurs qui fleurissent dans l’œil pour ensuite s’évanouir et éclore ailleurs : moins d’abandonner le monde sensible donc, que de l’épouser dans ses variations, la conscience de son évanescence. C’est peut-être une telle invitation que nous tendent les dernières œuvres de Susan Scott. Car on ne trouvera dans les paysages de Scott nulle reproduction fidèle de feuilles, d’arbres ou de rochers : c’est plutôt la nature comme tissu d’interactions, d’échanges, de flux qui est mise en scène. Privés de l’orientation du soleil, nous sommes plongés dans une nature sans ombre, au cœur du bruissement des arbres, du murmure des cascades, de la fraîcheur de la rosée. Les arbres, piliers de la forêt, sont devenus des coulées de clarté, la lumière gruge les broussailles ; la toile accueille des formes qui ont la consistance de reflets sur l’eau. Réalisées sur le motif, les pieds dans les ruisseaux, les aquarelles de Scott sont une fois dans l’atelier patiemment découpées et recomposées avant d’être agrandies sur la toile : façon d’équilibrer les vides et les pleins comme on place les silences dans un poème. À la manière des grands rouleaux de la peinture chinoise et japonaise, les paysages sont dépourvus du pouvoir structurant de la perspective ou de la ligne d’horizon : ils se déroulent au gré des sentiers que le regard trace entre les couleurs et les lignes. Sur ce parcours, les espaces blancs dictent des respirations; les traits du pinceau, dans leurs variations d’épaisseurs, de textures et de couleurs, semblent former un langage à même de dire la singularité de chaque rocher, chaque feuille, chaque cascade. Comme le poème, ils nous transmettent la joie de l’observation de ces événements fugaces qui font la beauté de la nature, pour le temps qu’elle fleurit encore. -Mathilde Bois
Susan G. Scott est née à Montréal (Québec) où elle vit, enseigne et travaille. En 1966, elle se rend à New York pour étudier la peinture, et retourne au Canada en …, à la suite d’une invitation à intégrer le corps professoral de l’Emily Carr College of Art à Vancouver. Le travail de Scott a fait l’objet de nombreuses expositions individuelles et collectives, dont trois ont été présentées à travers le Canada : Susan G. Scott: Works from 1974 to 1983, Blindman’s Buff (1988-1991) et Les Enfants Terribles (2003-2005). Son travail fait partie des collections permanentes de plusieurs institutions canadiennes, américaines et européennes, dont l’Art
Gallery of Nova Scotia, le Nickle Arts Museum, le Musée d’art contemporain de Montréal et la collection du Fonds régional d’art contemporain d’Île-de-France. Elle a reçu des bourses du Conseil des arts du Canada, du CALQ et du programme d’intégration des arts à l’architecture du ministère de la Culture et des Communications.